Le citoyennisme
comme expression des limites du mouvement et comme offensive idéologique du capital |
«La création de la plus-value absolue (domination formelle) a pour condition que le cercle de la circulation sélargisse continuellement. La tendance à créer un marché mondial est donc donnée immédiatement dans le concept-même de capitalisme. Le Capital tend à substituer la production fondée sur le capital aux modes de production précédents et de son point de vue primitifs.La revendication de plus de démocratie et dhumanisme dans la gestion des affaires publiques a longtemps été lexclusive de la bourgeoisie éclairée : la participation et la prise en compte de tous au système dexploitation devant permettre lexpansion extensive et intensive du processus production-circulation-consommation. La prédominance de ce mode de gestion qui accompagne les restructurations cest à dire la victoire du point de vue social-démocrate à léchelle quasi planétaire dans les années 80 est concomitante avec la disparition de la vieille classe ouvrière et lapparition dun nouveau sujet politique central : les classes moyennes (sans que lon puisse vraiement déterminer lequel des deux phénomènes accouche de lautre). Ces nouvelles strates de producteurs-consommateurs ayant totalement intégré la valeur du système et ayant été intégrées par elle (réification, fétiches compatibles) prétendent activement à jouer pleinement leur rôle de citoyens. Elles font émerger des thématiques de régulation sociale : environnement, participation, anti-racisme de caste, tiers-mondisme humanitaire. Parallèlement à ce phénomène, la lutte de classe nayant pas été abolie avec la proclamation de la fin de lhistoire, des ilots de résistance se développent face aux restructurations mais se trouvent dans une impasse due à labsence de toute perspective : les restructurations capitalistes ont bouleversé les rapports de force tant au niveau de la production que du territoire. Pour lÉtat et le Capital il sagit alors de parachever ce processus en délitant les communautés et les solidarités qui persistent : démantèlement des grands centres de production, quadrillage social et policier (à lépoque ce nest pas encore totalement synonyme) des quartiers et cités populaires, développement de structures caritatives institutionnelles ou non. Lidéologie citoyenniste est née. Au départ artificiellement imposée à travers les cercles de qualité dans les entreprises, SOS Racisme et le nouveau clientélisme (le tissus associatif) dans les banlieues, les Restos du C¦ur et le DAL sur les marges ; elle se heurte à la vieille culture de résistance et nexiste que contre elle. Par la suite (dans le milieu des années 90) elle réussira à sinfiltrer un peu partout parce quelle remplit un vide laissé par la déconfiture du vieux projet socialiste historique vide de perspectives globales et vide de liens entre les différentes luttes toujours plus atomisées et incapables de ce fait dopposer le moindre rapport de force et quelle est la seule médiation permettant, à travers la composition avec lennemi, dobtenir des victoires immédiates bien que partielles. Victoires formelles que le capital et lÉtat transforment presque simultanément en défaites réelles : reclassement-formation, 35 heures, loi sur le logement, carte de séjour de 1 an, etc.
Les grands mouvements de ces dernières années ont rendu patent que face à la moindre lutte se dressent la toute puissance des lois économiques et la force armée de lÉtat et donc quaucune réforme partielle dans le sens de plus dhumanité nest réalisable et que la remise en cause de la nature-même et des logiques du système se pose immédiatement. Parce quégalement à chaque revendication partielle le discours dominant oppose les intérêts de lentière formation sociale, quau discours citoyen soppose la réalité concrète de la citoyenneté.
Le mouvement anti-globalisation est un conglomérat dorganismes para-institutionnels, de groupuscules dont certains sauto-proclament anti-capitalistes, mais aussi de pratiquement lentièreté des différentes luttes qui lui préexistaient. Ces luttes contiennent en elles un niveau énorme de confusion produit tant par la survie telle quelle est imposée aujourdhui (le mode de production-circulation-consommation) que par lomniprésence du bourrage de crâne idéologique... les plus mièvres illusions sur la démocratie y côtoient la peur panique face à la toute puissance terroriste de lÉtat ; la revendication du droit à participer à la gestion de ce monde alterne avec les discours sur linéluctabilité de la catastrophe écologique ; la promotion de lorganisation horizontale se juxtapose à une impossibilité de concevoir un fonctionnement autre que bureaucratique... et ces contradictions ne sexpriment pas spécifiquement en divergences entre courants qui saffrontent mais traversent pratiquement chaque individu. A lintérieur du mouvement anti-globalisation est apparue une offensive idéologique qui bloque toute possibilité de dépassement, il sagit du citoyennisme militant en tant quidéologie cohérente. Cette idéologie, produisant et reproduisant la sémantique et les valeurs de lesclavage capitaliste, ramène toute confrontation dans le cadre du possible pour le système. Elle est évidemment lennemie déclarée de tout processus démancipation réelle et doit être combattue frontalement (coup de boule). Pour communications et envoi de textes |