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- Lorsque les travailleurs intellectuels ceux, qui, comme le rappelle Georges Sorel « font profession de penser [et, perçoivent pour cette « noble » tâche] un, [voire deux] salaires aristocratiques » tentent de se mettre au service des classes populaires, on assiste une fois encore, à un triste retour de lhistoire. Au FSE, un véritable aréopage de théoriciens saffichaient sinon comme les détenteurs dune vérité historique, à tout le moins comme des intellectuels dont la mission serait de dicter aux militants les types daction quils devraient mettre en Šuvre. Ainsi, lors du séminaire du 14 novembre 2003, Claude Poliak , après avoir disserté sur la désaffection des classes populaires à légard de la politique lieu commun pour les militants mais élevé au rang des découvertes scientifiques par les « experts » , se demandait comment gagner les majorités aux idées du mouvement altermondialiste ? Son discours, invitant à « réhabiliter les mécanismes de délégation » (sic), finit de la ridiculiser, lorsque, cherchant à se dédouaner dopter pour un choix si peu démocratique, elle cita le défunt autocrate Pierre Bourdieu : « il faut toujours risquer laliénation politique pour échapper à laliénation politique ». Pirouette rhétorique qui permettait au vieux chef dinviter ses adeptes à voter tout en les mettant en garde contre les illusions du vote. Lesprit libertaire hostile à toutes les formes de représentation politique ne saurait sy laisser prendre : « la lutte pour atteindre ces objectifs [une société "sans classes, sans Etat, sans appareils de médiation politiques"] exclut lutilisation des moyens qui sont ceux de lEtat, et elle est seule en mesure de contrecarrer ces tendances totalitaires partout à lŠuvre dans les partis et les institutions politiques qui se proclament défenseurs des valeurs démocratiques » .
- Ils ont beau prétendre avoir rompu avec la conception léniniste de lavantgarde, leurs discours montrent quils restent fidèles à lélitisme qui linspirait. Ainsi en témoigne la conclusion de cette chercheuse : « le mouvement altermondialiste [doit] se donner les moyens dêtre présent dans les banlieues ou les cités les plus démunies » remplaçant au passage la lutte des classes par la lutte des places.
- Partant, une première question se pose. Qui est censé aller dans les cités ? Claude Poliak ou les militants ? Si, au lieu de pérorer dans les postes quelle occupe, cette « conseillère scientifique » se rendait dans les cités, sans doute sapercevraitelle des aberrations quelle professe. Pourquoi faire appel aux « citoyens » pour se joindre à un combat que lon prétend commun (rappelons que lobjectif dAttac et consorts est que se constitue un parti de masse et que ses militants votent pour celuici ), alors que noccupant pas les mêmes places dans les rapports de production leurs intérêts sont divergents. Les uns produisent quand ils ne chôment pas de la plusvalue ; les autres vivent grassement de sa rétrocession.
- Ensuite, cette idéologue nous parle de politisation des masses tâche que se donne la « petite bourgeoisie intellectuelle » et non démancipation humaine tâche qui revient au prolétariat qui mettrait en lumière les contradictions de la « petite bourgeoisie intellectuelle » qui profite largement du système quelle critique. Cela amène donc une autre question : celle de la préservation de ses privilèges. Ce qui confirme ce que lon savait déjà : les ambitions critiques de la petite bourgeoisie intellectuelle à l'égard de l'ordre établi ne peuvent aller audelà des possibilités historiques que cet ordre offre à cette fraction de classe.
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- Un autre exemple de cet élitisme citoyenniste nous est donné avec les théoriciens dAcrimed , qui, avec les représentants de lObservatoire français des médias étaient seuls autorisés à tenir séance au FSE pour parler des médias. Rien de révolutionnaire dans la critique dAcrimed totalement déconnectée dune analyse des médias en terme de classe. « Lobjet de leur "critique" nest pas le monde tel quil est, mais le monde tel quon le fait apparaître, cestàdire l"image" que les médias en donnent [] En outre, elle est, pour certains intellectuels, une filière ou plutôt un filon gratifiant sinon lucratif qui leur permet de se tailler ou de consolider une réputation de nonconformistes, tout en les dispensant de devoir afficher un esprit de rébellion suranné » . Quant à lObservatoire français des médias, diplomatiquement correct, présenté comme une « force civique morale », il serait inconvenant, selon Ignacio Ramonet, que cet observatoire lutte contre ce quil appelle : « la nouvelle coalition des dominants » .
- LŠil rivé sur le « journalisme de marché », l « univers des connivences », Acrimed oublie de balayer devant sa porte. En fin de compte, Acrimed néchappe pas, ellemême, comme le reste de la profession, aux « réseaux damitiés et dintérêts » tant dénoncés par Serge Halimi. Pourtant, il reconnaît luimême avoir beaucoup de chance au regard d'autres journalistes. Certes, Serge Halimi nest pas un précaire. Autrement dit, cest un nanti . Dès lors, taire , comme il le fait, depuis des années, le comportement tyrannique de Daniel Mermet à légard de ses collaborateurs, est inacceptable . En date du 27 novembre 2003, alors que depuis plusieurs jours, une lettre de Joëlle Levert dénonçant le harcèlement de Daniel Mermet à son endroit circulait sur le net, il devenait impossible à Acrimed de ne pas parler de laffaire. Tirant la couverture à eux, Acrimed feint de découvrir le pot aux roses : « la place particulière occupée dans le paysage médiatique par lémission "Làbas si j'y suis" [] ne justifie pas que lon passe sous silence [] » (sic).
- La réponse du « Teinardier » est irrésistible tant elle est cousue de fil blanc. Sa justification reflète tout le narcissisme et le mépris du bonhomme. Faute de pouvoir sappuyer sur des faits réels qui viendraient contredire le témoignage de Joëlle Levert, ce potentat tente de lui imputer : « une fragilité psychologique », « des problèmes personnels », son incapacité à assumer les tâches qui lui sont confiées, etc. Bref, le coup classique ! Le diffuseur radiophonique des justes causes entame ensuite une logorrhée sans intérêt qui l'amène à la conclusion suivante : « curieux cas de servitude volontaire ». Daniel Mermet semble oublier une chose fondamentale : la servitude volontaire nenlève rien au fait quil soit, pour reprendre sa propre expression, « un salaud de patron ». Enfin, laisser entendre, comme il le fait, quà lémission « Làbas si jy suis » les relations de travail peuvent se vivre comme « une histoire damour » relève, ni plus ni moins, de la schizophrénie.
- Au bout du compte, et quoi quen dise lirrévérencieux Daniel Mermet, la colère, lorsquelle est justifiée, comme cest le cas ici, est une bonne chose. Elle mène souvent à la révolte, au moins à linsoumission et au refus de se taire. En conséquence, nous ne pouvons que saluer la courageuse démarche de Joëlle Levert. Face à cette intelligentsia, une évidence simpose : nous navons ni les mêmes valeurs, ni les mêmes objectifs. Il faut bien le dire : nous nappartenons pas tout à fait au même monde.
Notes
- 1 G. Sorel, Réflexions sur la violence, Paris, 1908, cité par Alexandre Skirda in J.W. Makhaïski, Le socialisme des intellectuels, Les Editions de Paris, 2001, p. 7.
- 2 Claude Poliak est chercheuse au Centre de sociologie européenne (CSE), chercheuse au CNRS, membre du conseil scientifique dAttac, membre de lassociation Raison dAgir.
- 3 Les enjeux de luttes dans le champ sociologique et de la recherche sont tels, que Pierre Bourdieu se conduisait en mandarin. Il justifiait au nom de la recherche scientifique, le fait quun directeur détude puisse imposer à son étudiant ce que bon lui semble (séminaire du mois de novembre 2001). Cest ainsi, pour satisfaire les intérêts de Patrick Champagne, alors que ma recherche portait sur Charlie Hebdo, que jaurais dû mener des entretiens sur Marianne, puis sur Politis. Un étudiant nous rapporta le témoignage suivant : « Javais une copine à lEHESS, elle travaillait sur Le Monde et était suivie par Patrick Champagne en DEA. Elle ne men disait pas que du bien. Il se servait delle pour récupérer ses entretiens et aussi ses observations » (mail du vendredi 10 janvier 2003). Patrick Champagne a également récupéré mes entretiens et observations sur Charlie Hebdo. Pour autant, je nai eu droit à aucune aide. Cest le sociologue, chercheur au CNRS, JeanPierre Garnier qui a suivit mon travail.
- 4 Seul la vénération de chefs persistent après leur mort in Robert Michels, Les partis politiques, Champs Flammarion, 1971. Un énième hommage à Pierre Bourdieu est organisé par le CSE du 23 au 25 janvier 2004.
- 5 Louis Janover, Les intellectuels face à lhistoire, Galilée, 1980, p. 135136.
- 6 Au moment des grèves du printemps 2003 sur la décentralisation, lécole et les retraites, les chercheurs du Centre de sociologie européenne, comme lensemble de la communauté universitaire, sont restés de manière symptomatique dans lenfermement académique, témoignant parlà de leur conception de lintellectuel engagé et de la division du travail militant.
- 7 Propos tenus par le président d'Attac, Jacques Nikonoff, lors d'un débat de Génération République, le samedi 11 octobre 2003.
- 8 Action Critique Média dont les représentants sont : Patrick Champagne, Serge Halimi, Henri Malher.
- 9 LObservatoire des médias doit faire office de « cinquième pouvoir ». Comme pour lAcrimed, ses membres sont le plus souvent : chercheurs, universitaires et/ou journalistes.
- 10 JeanPierre Garnier, Louis Janover, « La Pensée aveugle. Quand les intellectuels ont des visions », Spengler, 1993, p. 142.
- 11 Le Monde diplomatique, octobre 2003.
- 12 Serge Halimi, Les Nouveaux chiens de garde, Raison dAgir, 1997.
- 13 Non content dêtre né bourgeois, il a cumulé comme la majorité des journalistes du Monde diplomatique, deux salaires pendant plusieurs années : Universitaire à Paris VIII puis à l'Institut d'études européennes tout en exerçant sa fonction de journaliste au Monde diplomatique.
- 14 Olivier Cyran du CQFD, ancien de Charlie Hebdo passé par PLPL a travaillé quelques temps pour Mermet. Il raconte, comme tant dautres, lexploitation par son ancien boss. La rédaction du CQFD dénonce les « invités à répétition qui savent ce qui se passe et nont jamais moufté ». Un petit tour sur le site de lémission Làbas si jy suis, nous apprend que parmi les « invités à répétition », le journaliste et critique des médias Serge Halimi nest pas mal loti. CQFD n° 7, décembre 2003, on peut lire aussi le témoignage de Joëlle Levert sur leur site : http://www.cequilfautdetruire.org
- 15 Rappelons qu'en début de chaque mois, l'émission est consacrée à la présentation du Monde diplomatique. Sans aucun scrupule, étaient présents à la dernière émission en date du 4 décembre 2003 : Dominique Vidal, Serge Halimi, Ignacio Ramonet. On retrouve régulièrement à cette émission, le réseau de connivence composé : d'Acrimed, du Monde diplomatique, PLPL, Agone, Pierre Carles, Raison dAgir, etc.
- 16 Réponse de Daniel Mermet : http://acrimed.samizdat.net
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