Une savoureuse réponse à Riesel

Dans son entretien avec un journaliste de Libération (4 février 2001), René Riesel se livre à une attaque systématique de ce que nous avons appelé le démocratisme radical. " La radicalité c’est, littéralement, prendre les choses à la racine, et non rafraîchir un anticapitalisme sommaire agrémenté de bourdieuseries. La " gauche de la gauche ", ce mélange de citoyennistes, partisans de la taxe Tobin, antimondialistes et tiers-mondistes maintenus, plus ou moins manipulés par les anciens états-major trotskystes, demande quoi ? De l’Etat, encore de l’Etat. ". Ce rassemblement est la tentative " de restauration du parti des vaincus historiques, c’est-à-dire des partisans de l’Etat, vaincu à leurs propres yeux - la souveraineté des Etats s’effrite, etc. - , mais ne désespérant pas d’en refonder un qui serait, cette fois, vraiment citoyen ". Cette critique demeure une pure simple dénonciation : d’un côté la cible à abattre, totalement extérieure et cherchant même à nous englober ; de l’autre une norme servant de référence à la critique.

La cible c’est la " domination du rationalisme technologique ", prendre les choses à la racine c’est " critiquer les bases technoscientifiques de la société moderne ". La société capitaliste n’est que la réalisation de ce principe, tout comme la cité antique devait être celle du politique et le moyen-âge celle de la religion. La dénonciation a toujours parti lié avec l’idéalisme. Il faut cependant commettre quelques entorses à l’histoire. C’est l’industrialisation qui est présentée comme " la rupture absolument fondamentale avec l’essentiel du processus d’humanisation " de celle-ci découle l’universalisation du système marchand. Historiquement, c’est la révolution industrielle qui découle du capitalisme et non l’inverse. Cette domination fonctionne à la persuasion mentale et à la " destruction psychologique intégrale " (sic). Il s’agit bien de dénonciation, la technoscience est avant tout un projet et un principe, une idéologie, et même un " délire ", sur lequel sont apparues des formes sociales, exit le mode de production capitaliste, les classes et toutes ces vieilleries. La " culture (souligné par nous) industrielle se répand partout ", le " progressisme politique " s’explique par sa " parenté idéologique " avec le " progressisme scientifique ". Il s’ensuit que la dénonciation de la technoscience est celle du démocratisme radical.

La norme (là il faut se retenir pour ne pas rire), c’est la paysannerie traditionnelle : " elle conservait vivante une mémoire permettant de suivre des chemins autres que ceux imposés par le développement industriel " ; " sans civilisation paysanne, c’est la civilisation tout court qui se défait, on le constate aujourd’hui ". La norme, bien évidemmement, est un mythe, à moins que le paysan traditionnel ce soit celui qui a applaudi à l’exécution de Babeuf, soutenu le coup d’Etat du 18 brumaire, s’est senti soulagé en juin 48 et après la semaine sanglante, a prospéré sous Vichy. Il n’existe plus, tant mieux.

C’est contre cette cible, dont le démocratisme radical est un des soutiens les plus insidieux, et en référence à la norme exposée, qu’il faut mener des actions radicales. Celles-ci se dérouleront, bien sûr, égalment dans l’ordre de la dénonciation : " il faut casser le mythe selon lequel une recherche contrôlée citoyennement pourrait être régulée (...) ". Il faut revenir au bon sens près de chez vous : " la vie et l’humanisation sont un combat, en tout cas un processus où rien n ’est obtenu sans effort ". La société que combat Riesel n’est qu’une idéologie : " aujourd’hui, l’absence d’effort, l’instantanéité permise par les machines, par l’informatique, est justement ce que sacralisent nos sociétés ". Il se peut que l’absence d’efforts soit " sacralisée ", mais l’évolution des conditions de travail nous montre que, comme toute les sacralisations, il ne s’agit que l’image inversée de la réalité.

Il faut rompre avec ce monde, " le temps nous est compté ", et surtout ne plus espérer en cette " vieille idée " (encore des idées), " selon laquelle le capitalisme ou l’économie s’effondreront sous leurs contradictions ", vieille idée " évidemment fausse ". Que les contradictions du mode de production capitaliste soient autre chose qu’un effondrement mais activités de classes ne peut effleurer le dénonciateur pour qui, en face des idées, le monde n’est qu’objectivité.

Si, pour Riesel, le démocratisme radical n’est qu’une idéologie, celle des " vaincus historiques " d’hier, son projet radical est le mouvement des vaincus d’avant-hier.



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